vendredi 15 novembre 2024

Daniel TOMASIN et l’importance des lignages doctrinaux

Cet article avait été diffusé sur Légavox le 24 janvier 2022 avant d'en être retiré, mais a été cité par un auteur dans sa thèse depuis, et tous les lecteurs doivent donc y avoir accès.

Le Professeur Daniel TOMASIN nous a quittés le 12 novembre 2021. Il s’agissait d’un grand auteur, auquel Pierre CAPOULADE avait confié la mise à jour d’un ouvrage de référence sur la copropriété


Rôle crucial de la doctrine

Ici, nous sommes sur internet. Cela ne veut pas dire que n’importe qui aurait le droit de dire n’importe quoi.

Un commentaire juridique anonyme n’a aucune valeur. Pire, il transforme les consommateurs qui y croient en agitateurs butés et caractériels, haïs par tous les professionnels. Ces derniers jugent ensuite possible d’arnaquer la population sans vergogne.

D’où l’importance de la doctrine juridique, c’est-à-dire des auteurs qui interviennent dans des revues reconnues sous le regard de directeurs scientifiques universitaires.

Or, sans doctrine accessible, le droit est un arbre mort qui n’intéressera que les historiens, comme l’a dit Vincent CANU (« Qui s’intéresse encore à la doctrine juridique ? », Revue des Loyers, juin 2015, n° 958, p. 273),

En effet, quand la doctrine est dissimulée, les justiciables sont complètement perdus face à des juridictions qui prennent des libertés avec les règles envisagées par le législateur, et cela sans risquer les commentaires sévères que de tels magistrats méritent. Les jugements et arrêts ne relèvent alors plus du droit, mais de la simple violence sociale et institutionnelle.

Le présent blog présentera désormais chaque semaine un auteur important en droit de l’immobilier ou de la copropriété.


Un acteur clé du droit de la copropriété

En matière de copropriété classique, la doctrine est d’autant plus utile que le droit est touffu et complexe.

La loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété a été, pour l’essentiel, rédigée par Pierre CAPOULADE, alors membre du cabinet ministériel de Jean FOYER. Pierre CAPOULADE fut ensuite magistrat à la Cour de cassation.

Après la parution du décret du 17 mars 1967 sur la copropriété, les professeurs de droit de Grenoble, François GIVORS et Claude GIVERDON, avaient rédigé aux éditions Dalloz un ouvrage impressionnant intitulé La Copropriété.

Comme l’a écrit Pierre CAPOULADE dans la 9ème édition de cet ouvrage (Dalloz, 2021, 1131 p., p. V pour la citation) :

« Après trois éditions et la disparition brutale du regretté François Givord, Claude Giverdon, devant l’ampleur de la tâche, due aux évolutions des textes, m’avait fait l’insigne honneur de le seconder. A son tour, Claude Giverdon nous a quittés soudainement, laissant un vide considérable au sein de la doctrine française. Les infléchissements profonds de la loi en 2014, l’âge aidant, et la maladie venant, j’ai dû renoncer au travail solitaire, et, selon le vœu exprimé de son vivant par Claude Giverdon, j’ai demandé au professeur Daniel Tomasin, dont on connaît la profondeur et la pertinence des réflexions sur la copropriété, de bien vouloir reprendre le flambeau.

Les bouleversements profonds consécutifs aux réformes issues de la loi de 2014 nous ont conduit d’un commun accord, à nous orienter vers une œuvre collective et à nous entourer du concours de deux spécialistes éminents : Mme Florence Bayard-Jammes, Docteur en droit et Professeur à Toulouse Business School, et Jean-Marc Roux, Maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille et rédacteur en chef des Informations rapides de la copropriété. Qu’ils en soient très chaleureusement remerciés »

Ainsi, Daniel TOMASIN s’inscrivait dans le lignage de François GIVORD, Claude GIVERDON et Pierre CAPOULADE.

Quand on évoque les positions de Pierre CAPOULADE, il est donc impératif de se référer à la version à jour de l’ouvrage de référence dirigé dans sa dernière version par Daniel TOMASIN. C’est là une marque de respect que l’on doit à ce dernier, mais aussi à ses nombreux étudiants.


L’école de Toulouse

Daniel TOMASIN a dirigé de 1983 à 2011 le Master de droit immobilier à l’université Toulouse 1 (Florence BAYARD-JAMMES, « In memoriam Daniel Tomasin », AJDI, déc. 2021, p. 805).

De nombreux étudiants ont donc été diplômés sous son égide.

Daniel TOMASIN a d’ailleurs préfacé l’ouvrage issu de la thèse de Florence BAYARD-JAMMES (La Nature juridique du droit du copropriétaire immobilier, LGDJ, 2003, 384 p.).

Daniel TOMASIN a aussi dirigé l’IEJUC (Institut des Études Juridiques de l’Urbanisme, de la Construction et de l’Environnement), actuellement dirigé par Matthieu POUMARÈDE, professeur à la faculté de droit de Toulouse (voir hommage à Daniel TOMASIN paru aux Informations Rapides de la Copropriété (IRC) n° 674, déc. 2021, p. 7).

Matthieu POUMARÈDE est actuellement président du GRECCO (Groupe de RECherche en COpropriété) (« La codification du droit de la copropriété devra retenir l’attention du GRECCO », propos recueillis par EDILAIX, IRC n° 665, janv. févr. 2021, pp. 10-11).

Or, récemment, une licence juriste copropriété a été créée à l’université Toulouse 1. Ce diplôme en alternance permettra de former des professionnels de qualité qui s’inscriront dans le sillage de Daniel TOMASIN.

Les consommateurs qui voudront bénéficier des services plus performants des professionnels ainsi formés seraient bien avisés de respecter l’auguste lignage décrit ici.

En cas de différend, cela permet d’en appeler à une autorité supérieure respectée tant par le professionnel que par le consommateur. L’ouvrage La Copropriété dirigé, dans sa dernière version, par Daniel TOMASIN, pourra ainsi servir de juge de paix entre les copropriétaires et les intervenants qu’ils payent.


Trolls injurieux et subornation

(Publié sur Légavox le 11 janvier 2021 mais déplacé ici en raison d'un succès insuffisant, avec moins de 1000 lecteurs en 3 ans)

Le fait, pour un internaute ayant commis une infraction en ligne, d’injurier en privé un autre internaute pour le faire taire à propos de cette infraction, constitue une tentative de subornation.

Injures et habitat

 

Les gardiens d’immeubles, les syndics, les copropriétaires, les locataires, les associations défendant les locataires, leurs salarié-e-s ainsi que les avocat-e-s intervenant en droit de l’immobilier sont habitué-e-s à recevoir des injures.

 

Si les associations agréées dans le domaine du logement ont du mal à attirer de nouveaux membres, c’est notamment en raison de cette triste réalité. Toute association qui conteste des pratiques problématiques s’expose à recevoir des tentatives d’intimidation truffées d’insultes.

 

Pour ceux qui veulent consulter le catalogue des injures ayant donné lieu à des condamnations, il faut lire deux remarquables articles (Pascaline DÉCHELETTE-TOLOT, « Diffamation/injure en copropriété », Administrer, n° 515, pp. 10 à 15).

 

Il suffit d’aller sur Facebook pour constater que des salarié-e-s d’associations agréées sont injurié-e-s publiquement. Ce n’est pas un phénomène isolé.

 

De nombreuses structures intervenant dans le domaine de la solidarité vivent les mêmes problèmes, avec les difficultés de recrutement que cela peut ensuite induire (Pascale Dominique RUSSO, Souffrance en milieu engagé. Enquête sur les entreprises sociales, Paris, Editions du Faubourg, janvier 2020, 179 p.).

 

Ces soucis doivent être anticipés par une organisation institutionnelle adaptée. Voilà pourquoi il est essentiel de décrire les infractions dont les personnels, les dirigeant-e-s et les membres des associations agréées intervenant dans le domaine du logement doivent être protégés.

 

 

Pandémie d’injures de trolls

 

Nous vivons aux temps du capitalisme violent, dont le symbole est le pygargue à tête blanche, c’est-à-dire le rapace qui plonge sur les balbusards pour leur faire lâcher leur pêche.

 

De nombreux individus ont érigé des fortunes par la tromperie, la captation illicite et l’exploitation de personnes vulnérables. Cet exemple est toujours susceptible de nous fasciner, même de manière implicite. Il en résulte une tendance fâcheuse à utiliser l’intimidation dès que nos aspirations sont contrariées.

 

Le troll est celui qui pratique l’intimidation en ligne pour faire taire ses contradicteurs, soit en étant désagréable et de mauvaise foi, soit en employant l’injure pour tenter de déstabiliser ses interlocuteurs.

 

Il est vrai que l’injure privée n’est qu’une contravention.

 

En effet, selon l’article R 621-2 du Code Pénal : « L'injure non publique envers une personne, lorsqu'elle n'a pas été précédée de provocation, est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la 1re classe. »

 

L’injure ou la mauvaise foi sont évidemment provocatrices.

 

 

Subornation et remobilisation

 

Néanmoins, lorsqu’un troll injurie une victime d’injure pour la faire taire si elle compte se plaindre, les données changent.

 

En application de l’article 434-5 du Code pénal :

 

« Toute menace ou tout autre acte d'intimidation à l'égard de quiconque, commis en vue de déterminer la victime d'un crime ou d'un délit à ne pas porter plainte ou à se rétracter, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. »

 

Chacun peut noter l’expression « à l’égard de quiconque » !

 

Ce délit est très facile à prouver, et les trolls ont beaucoup de mal à se retenir de le commettre. L’intimidation est une notion bien plus large que l’injure non provoquée.

 

Celui qui injurie le salarié, partenaire économique, ou l’actionnaire d’une entreprise victime d’une infraction, ou bien l’avocat voire le membre d’une association agréée qui assiste la victime d’une infraction, doit donc à tout prix éviter de demander à son interlocuteur de se taire à propos de ladite infraction.

 

Les contraventions, comme l’injure privée, se prescrivent par trois ans (article 133-4 du Code Pénal) alors que les délits se prescrivent par 6 ans (article 133-3 du Code Pénal).

 

Or, les salariés, les partenaires économiques, les actionnaires, les avocats et les associations agréées qui subissent un acte de subornation ont tout intérêt à se concerter avec la victime principale des actes du troll.

 

Une fois qu’un délit de subornation est commis, la victime du délit originel a tout intérêt à soutenir celui qui fait l’objet de la subornation. C’est un facteur de légitimation et de consolidation des positions des avocats, des associations agréées et des partenaires économiques des entreprises.

 

Trolls injurieux, tenez-le pour dit ! En injuriant pour faire taire, vous rendez service à vos adversaires tout en vous fragilisant vous-mêmes au plan stratégique, et cela pour 6 ans…